Lokman Slim, le héraut assassiné

Lokman Slim. Beyrouth, 2014. ©David Hury

Le café a un goût amer ce matin. Lokman Slim a été retrouvé assassiné cette nuit, au Sud-Liban. Pas besoin de chercher très loin le coupable, il est sous notre nez et a mis au pas le pays depuis belle lurette. Le nom de Lokman vient allonger une longue liste de personnalités dégommées par le Hezbollah, comme en 2005-2007. Son nom était sur la liste noire depuis longtemps.

Cette photo date du 20 avril 2014. C'est la dernière fois que je l'ai vu, dans la banlieue-sud de Beyrouth, pendant une série de reportages radio réalisés pour la RTS avec Cyril Dépraz. Lokman avait parlé de ses combats, il avait posé à côté de ce totem morbide, un poteau de feu rouge criblé d'impacts de balles, comme un "reminder" de la violence de la guerre de 1975. Il n'hésitait pas à appeler un chat un chat. Lui le chiite farouche opposant au parti de Nasrallah, lui le Libanais qui tenait bon à la barre de son navire, l'ONG Umam à Haret Hreik (en plein fief du Hezb), où il travaillait à la conservation de la mémoire. Lui le libre penseur qui continuait sans relâche de dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas sur les plateaux de télévision, sur les armes ou sur l'explosion du 4 août. Le Hezbollah est un cancer dont les métastases ont pourri tout le pays. Un Liban pris en otage par des miliciens dont l'allégeance se trouve à 1800km plus à l'est. Une communauté – les chiites libanais – prise en otage, elle aussi. Car bon nombre d'entre eux, bâillonnés, ne peuvent pas les sentir. Mais le Hezbollah a ses armes. Et ses tueurs en chemise brune.

C'est donc ça qui attend celles et ceux qui veulent rester libres au Liban. Quatre balles dans la tête, une balle dans le dos. Ou une voiture piégée. Comme tant d'autres avant Lokman. Samir, Rafic, George, Pierre, Wissam... la liste (noire) est longue comme mon bras. Ce matin, mes pensées vont à Monika, sa femme, et à tous ceux que je connais à Beyrouth qui pourraient courber l'échine. Personne n'est à l'abri.

Mise à jour du 9 février 2021

Un appel a été lancé, simultanément à un rassemblement à Beyrouth, à une manifestation le jeudi 11 février, de 15 à 17h, sur la place de la Sorbonne à Paris...

Mise à jour du 11 février 2021

Une grosse centaine de personnes devant la Sorbonne hier, avec de puissants témoignages...

David Hury

David Hury est installé à Paris, avec un pied en Normandie et la tête à Beyrouth. Photographe, romancier et journaliste, il travaille d’où ça lui chante.

https://www.davidhury.com
Précédent
Précédent

Le Métro de Beyrouth chez Vintage Sketchbook

Suivant
Suivant

Bourj el-Mout, pierre tombale de Monsieur Rolex