Déjà vu
«Le Liban au bord de l’effondrement» rapportait le Washington Post ce week-end… Nous verrons bien.
Cela fait presque cinq mois que je suis parti avec mes quatre mètres cube de cartons. Je l’avoue, depuis, je ne regarde presque jamais les nouvelles libanaises. Mi-ras-le-bol des news (en général), mi-sas de décompression, je ne sais pas. Quelques infos m’ont effleuré de temps en temps via les réseaux sociaux ou les proches, comme l’effarante histoire des poubelles (qui faisait déjà la Une des journaux il y a quelques années, faut-il le rappeler). Quelque part, je m’en veux un peu de ne pas me sentir davantage concerné. Mais c’est comme ça. Je ne vais pas me mentir. Tout ça ne me manque pas. Tous ces effets d’annonce ne me manquent pas.
A l’heure d’effectuer un gros tri (numérique) pour refaire ce site web, j’ai beaucoup hésité à garder en ligne une grosse partie de mes archives de presse écrite (rubrique Presse sur le site Editorial.Paris). Et puis je me suis dit pourquoi pas. En recollant les liens web aux titres des articles, je me suis aperçu combien rien n’avait changé au cours des années. «Michel Aoun, l’éternel candidat» (2007), «Les Libanais vers le trou noir» (2006), «Le Liban dans l’impasse institutionnelle» (2014), «Le Liban est sans président» (2007), «L’insoutenable précarité des réfugiés» (2013), «Un consensus politique introuvable au Liban» (2007), «Il n’y a plus d’union nationale à Beyrouth» (2011), «Les jihadistes visent l’Europe» (2007), «Beyrouth navigue toujours en eaux troubles» (2008), «Les chrétiens toujours plus divisés» (2007), «A quand l’assassinat de trop?» (2007), «Liban, casse-têtes et gouvernement» (2009), «Un feuilleton qui n’en finit pas» (2007), «Le Hezbollah bombe le torse» (2008), «Le Liban au bord de la guerre civile» (2007)… Une fois de plus ou une fois de moins, ce ne sont que des titres que l’on pourrait réutiliser aujourd’hui. Ou demain. Encore et encore. Il n'y a ici aucun cynisme. Juste un peu de tristesse.
Je ne me pose aucunement la question de l’utilité d’avoir écrit ces articles à l’époque. Informer les opinions publiques européennes, même à petite dose, de temps en temps, dans les colonnes de quotidiens tirés à 100000 exemplaires, est essentiel. Sur le principe. Essentiel à la démocratie, essentiel à la liberté d’information. Mais c’est d’un chiant… Chiant à écrire le plus souvent (quand il faut consacrer quasiment à chaque fois le premier tiers du texte à replanter le décor politico-sécuritaire du bled), déprimant à enfanter (quand les reportages sur le terrain tordent les tripes), usant à la longue de prendre des risques (pour être payé des clopinettes)… Effarant aussi de se dire que l’on pourrait faire des copier-coller à plusieurs années d’intervalle sans que quiconque ne s’aperçoive de la supercherie.
Je ne sais pas si c’est la même chose partout sur la planète. Je ne l’ai pas encore assez parcourue pour le savoir. Mais assister à cette Histoire (la vraie, avec un grand H) qui ne fait que se répéter ne peut que me donner envie d’écrire de vraies histoires (les fausses, avec un petit h) pour faire triper celles et ceux qui les liront. Bien au-delà de la réalité.
Sur ce, je retourne écrire.